Comment se construisent nos valeurs ?
Lorsqu’on aborde la question de la motivation, le questionnement relatif à ses propres valeurs peut être opéré. C’est le cas notamment lorsque vous avez le sentiment profond que votre cadre de travail n’est pas en adéquation avec vos valeur.
Les valeurs peuvent être définies comme des « principes généraux qui orientent les gestes et les jugements des gens, et cela, tant dans leur vie privée que dans leur vie professionnelle« 1. Ces valeurs guident alors le comportement quotidien des individus en leur permettant de discerner, évaluer, ce qui est bien ou mal selon cette échelle personnelle.
Beaucoup de valeurs sont identiques selon les individus mais leur hiérarchisation varie par contre plus fortement, c’est-à-dire l’importance relative de chaque valeur. C’est ce que l’on nomme le système de valeurs. De là découleront les attitudes que la personne adoptera au quotidien et, in fine, les choix comportementaux.
Ces valeurs sont le fruit de nos apprentissages et de nos expériences, notamment par évaluation des choix opérés par les gens que nous estimons. Le milieu familial, affectif, amical ou encore scolaire va de la sorte influer le développement de notre propre système de valeur.
La classification des valeurs
Il n’existe (évidemment serions-nous tenté de dire vu la thématique) de consensus autour de la classification des valeurs. Nous pouvons cependant mettre en avant deux des modèles les plus couramment référencés dans la littérature qui sont ceux de Milton Rokeach et de Shalom Shwartz.
La classification des valeurs de Rokeach
Ce modèle tente de classer les valeurs humaines en catégories distinctes et est conçu pour aider à comprendre et à analyser les valeurs fondamentales qui guident le comportement et les croyances des individus. Les valeurs, dans ce contexte, sont des croyances profondes sur ce qui est important dans la vie.
Le modèle de classification de Rokeach divise les valeurs en deux catégories principales :
- Valeurs terminales : Il s’agit des objectifs finaux et des réalisations que les individus cherchent à atteindre dans leur vie. Les valeurs terminales sont des idéaux de vie, comme la paix, la liberté, la sagesse, le bonheur, l’égalité, la sécurité, etc. Elles représentent ce que les individus considèrent comme le but ultime de leur existence et peuvent être subdivisées en :
- les valeurs personnelles : ce qui est le plus important dans la vie de l’individu (bonheur, famille, santé, reconnaissance, possessions matérielles…)
- Les valeurs éthico-sociales : ce que l’individu veut faire pour le monde (la paix, l’écologie, la justice…)
- Valeurs instrumentales : Ces valeurs sont les moyens par lesquels les individus cherchent à atteindre leurs valeurs terminales. Les valeurs instrumentales sont des qualités de comportement ou des traits de caractère qui aident à atteindre les valeurs terminales. Elles incluent des qualités telles que l’honnêteté, la compétence, la tolérance, la créativité, etc. Ce sont dès lors en quelques sorte des outils pour atteindre les valeurs terminales qui peuvent être là-aussi divisés en :
- les valeurs éthico-morales : comment nous devons nous comporter avec les gens de notre entourage (être honnête, sincère, loyal, fiable…)
- les valeurs de compétition : qu’est-ce qui est nécessaire pour rivaliser dans la vie (l’argent, la logique, l’apparence, la sympathie, le courage…)
Le modèle de classification de Rokeach propose un certain nombre de valeurs terminales et instrumentales spécifiques, et ces valeurs peuvent varier d’une culture à l’autre et d’une personne à l’autre. L’objectif du modèle est de permettre aux chercheurs et aux professionnels de mieux comprendre les valeurs des individus, ce qui peut être utile dans des domaines tels que la psychologie, la publicité, la gestion, et d’autres disciplines liées au comportement humain.
La classification des valeurs de Schwartz
Schwartz propose également une classification selon deux axes : le premier touche au changement (changement >< continuité) et le second porte sur l’intérêt à l’égard des autres (dépassement de soi >< affirmation de soi)
Il définit alors dix catégories de valeurs qui sont disposées en cercle, de sorte que les valeurs opposées sur les deux axes se font face et sont en conflit potentiel. Les valeurs adjacentes sont complémentaires et peuvent se renforcer mutuellement.
Voici les dix catégories de valeurs fondamentales dans le modèle circulaire de Schwartz :
- Pouvoir : Contrôler ou influencer les autres.
- Réalisation: Réussite personnelle, ambition.
- Hédonisme : Plaisir, recherche du bonheur.
- Autonomie : Indépendance, créativité.
- Universalisme : Tolérance, bien-être de tous, protection de l’environnement.
- Bienveillance : Aider les autres, améliorer le bien-être
- Tradition : Respect des coutumes, de la religion.
- Conformité : Respect des règles, de l’ordre social.
- Sécurité : Stabilité, sécurité de l’avenir.
- Stimulation : Excitation, nouveauté, aventure.
Le développement de la moralité
La théorie du développement moral de Lawrence Kohlberg est l’une des théories les plus influentes en psychologie du développement. Kohlberg a élaboré une approche en six étapes du développement moral, qui détaille les différentes phases par lesquelles les individus passent en grandissant.
Ces six étapes sont réparties en trois niveaux de développement moral, avec deux étapes dans chaque niveau.
Niveau 1 : Préconventionnel
- Stade 1 – L’orientation de la punition et de l’obéissance : À ce stade, les individus se conforment aux règles pour éviter la punition. Leur moralité est centrée sur l’évitement des conséquences négatives.
- Stade 2 – L’orientation de la récompense personnelle : Les individus passent ensuite à un stade où ils agissent en fonction de leurs intérêts personnels. Leur moralité est axée sur la recherche de récompenses et d’avantages personnels.
Niveau 2 : Conventionnel
- Stade 3 – L’orientation des relations interpersonnelles : À ce stade, les individus commencent à prendre en compte les attentes de leur entourage. Ils agissent pour plaire aux autres et éviter les conflits. Ils intériorisent alors ce qui est socialement acceptable.
- Stade 4 – L‘orientation de l’autorité et de l’ordre social : Les individus développent un sens de la conscience morale basée sur le respect des lois, des règles et des autorités. Ils agissent pour maintenir l’ordre social et le respect des institutions.
Cette moralité conformiste est celle que la plupart des personnes entretiennent et qui les incite à respecter les règles afin de faire ce qui est socialement acceptable afin d’être estimé et de ne pas ressentir de culpabilité.
Certains évoluent ensuite vers le niveau 3, signe d’un plus haut niveau de moralité.
Niveau 3 : Postconventionnel
- Stade 5 – L’orientation des droits individuels et du contrat social : À ce stade, les individus reconnaissent que les lois et les règles peuvent être relatives et changées. Ils agissent pour protéger les droits individuels et l’équité sociale.
- Stade 6 – L‘orientation de la conscience morale universelle : Dans la dernière étape, les individus développent une conscience morale basée sur des principes éthiques universels. Ils agissent en conformité avec des principes moraux abstraits, même si cela signifie contredire les lois ou les conventions sociales.
Ce dernier niveau de moralité pourra pousser certains managers à exceptionnellement déroger à l’application stricte d’une règle ou d’une procédure s’il la juge inéquitable dans un contexte donné. La personne peut en effet faire fi des conventions sociales si elle les juge inapproprié et si leur transgression sert le bien-être collectif et la justice sociale.
Il est important de noter que tout le monde ne progresse pas nécessairement à travers toutes ces étapes de manière linéaire. Les individus peuvent se trouver à différents stades de développement moral, et certains peuvent ne pas atteindre les niveaux postconventionnels.
Pour en savoir plus/références
Définir ses motivations profondes pour trouver sa voie
Dolan, S. L., Gosselin, E., & Morin, D. (2017). Aspects humains des organisations : Psychologie du travail et comportement organisationnel (5e édition). Chenelière éducation, pp. 68 et s.
- .R. SCHERMERHORN Jr, J.G. HUNT, R.N. OSBORN et C. de BILLY, Comportement humain et organisation, 3e éd., Montréal, Québec, ERPI, 2006 ↩︎